Souveraineté démocratique vs toute puissance technologique

Souveraineté démocratique vs toute puissance technologique

Laurent Cournarie, NXU
26 avril 2023

Souveraineté et démocratie : voilà, si l’on peut dire, une équation à deux inconnues. Ou plutôt à deux « trop connues ». Car, si nous nous plaignons d’une perte de souveraineté et d’un manque de démocratie, si nous craignons d’être dépossédés de l’une et de l’autre, c’est que nous pensons savoir ce qu’est la démocratie et ce qu’est la souveraineté.
Pourtant la démocratie répond à des définitions multiples. On ne saurait la réduire à un certain type de régime politique (la souveraineté populaire), à l’organisation institutionnelle de celui-ci (la démocratie représentative). La démocratie désigne un certain type de société (la société démocratique) c’est-à-dire une manière de vivre qu’on peut caractériser comme éthosdémocratique. On observe depuis longtemps déjà des nouvelles expériences démocratiques axées sur un paradigme communicationnel et pluraliste, et même ce qu’on peut appeler une « démocratisation de la démocratie ». La démocratie est partout en débat avec elle-même, au-delà et partiellement contre les formes institutionnelles de la démocratie (représentative), avec la promotion de ce qu’il est convenu de nommer la « démocratie participative »[1]. Cette démocratisation de la démocratie s’exprime à travers la recherche dans la société civile de la parole et de la compétence de non-professionnels de la politique pour ramener à la vérité de la politique (le bien commun qui appartient à tous), la renaissance de l’action militante hors des partis politiques, c’est-à-dire une espèce de polycentrisme militant qui fait sortir du modèle jusque-là dominant (le parti politique au centre, et à la périphérie, le syndicat, l’association). Ce qui se traduit par-là, c’est la conscience que désormais plus aucun parti ne peut faire la synthèse des idées et de la discussion sur les questions politiques nouvelles par le simple jeu de son débat interne (de là aussi l’efflorescence des « Think Tank »). Toute cette nouvelle disposition politique est à mettre en perspective avec le développement croissant de ce l’historien P. Rosanvallon nomme la « contre démocratie »[2]. Les partis tendent à ne plus être le canal principal de la communication entre les citoyens et les dirigeants politiques : un équilibre se cherche entre la démocratie représentative (électorale) et la démocratie participative. La souveraineté du peuple se manifeste de plus en plus comme puissance de refus qui impose au « peuple électeur du contrat social » un peuple surveillant, un peuple-veto, ou un peuple juge (Rosanvallon). Ainsi si la démocratie d’élection s’est érodée, la démocratie d’expression, d’implication, d’intervention s’est au contraire affermie – ce qui suffit à faire justice du mythe du citoyen passif. On assiste à l’avènement de formes non conventionnelles de démocratie, à une politique protestataire (protest politics), à une citoyenneté civile jusqu’à la désobéissance, et dans des formes radicalisées et assumées de violence — ce qui conduit à parler de « politique non gouvernementale » de « politique des gouvernés », mais toujours à l’ombre d’une indétermination sans doute insurmontable de la notion de « peuple »[3].



Article complet : https://nxu-thinktank.com/souverainete-democratique-vs-toute-puissance-technologique/

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