L’histoire culturelle de l’art selon Bénédicte Savoy : une histoire de l’art à rebrousse-poil 

Laurent Cournarie (2018)

Quelle histoire de l’art le souci mémoriel est-il susceptible de produire ou d’induire ? Il n’y a pas de rapport nécessaire entre ce souci de mémoire qui hante les sociétés modernes et l’histoire de l’art. Cependant, on peut se demander si le renouveau de l’histoire de l’art proposé par Bénédicte Savoy, à travers sa chaire internationale du Collège de France intitulée : « Histoire culturelle des patrimoines artistiques en Europe XVIIIe-XXe siècle », telle qu’exposée dans sa leçon inaugurale[1], n’est pas une expression originale du mémorialisme contemporain. Qu’est-ce que cette histoire culturelle de l’art, au point de vue de l’épistémologie et de la philosophie de l’histoire de l’art ?

Histoire historiciste et histoire matérialiste selon W. Benjamin

La pensée de Walter Benjamin dans son ultime ouvrage, Thèses sur le concept d’histoire, est une source d’inspiration de cette nouvelle approche de l’histoire de l’art comme histoire culturelle du patrimoine, et principalement la thèse VII citée[1] sans être approfondie[2].

Dans ce passage, Benjamin distingue entre l’historien historiciste et l’historien matérialiste. L’historien historiciste, c’est l’historien positiviste qui entend adopter un rapport objectif au passé. Cette attitude suppose de séparer le présent du passé pour pouvoir le connaître et le revivre tel qu’en lui-même. C’est le passé qui l’intéresse et non ce qui, du passé, pourrait concerner le présent, le temps où l’histoire se joue, où l’héritage du passé et l’espérance de l’avenir, la mémoire et l’utopie peuvent fusionner — l’à-présent (Jetztzeit) selon l’expression de Benjamin, temps de la crise, du possible, de l’événement qui suspend l’histoire de domination. L’historien historiciste, au contraire, est objectiviste et positiviste (les faits rien que les faits) : 

« À l’historien qui veut revivre une époque, Fustel de Coulanges recommande d’oublier tout ce qui s’est passé ensuite » (VII).

 Ignorer ce qui s’est passé après le passé, c’est ignorer les rapports possibles entre le passé et le présent, refermer le passé sur lui-même, nier les potentialités qu’il contenait et contient peut-être encore, pour un présent en rupture avec l’ensemble de l’histoire. L’historien historiciste s’en tient au : “il était une fois” qu’il égrène à la suite [3] (Alexandre, César, Charlemagne, Napoléon, etc.). Et puisque sa méthode consiste à revivre une époque en pratiquant l’introspection (se mettre à la place de…, en s’oubliant soi-même et en oubliant donc le présent), l’historien historiciste accepte la conception de l’histoire comme un progrès. Et puisque le progrès est, pour Benjamin, l’histoire de la domination, il épouse toujours le parti des vainqueurs contre les vaincus. 

« Celui qui professe le matérialisme historique ne saurait renoncer à l’idée d’un présent qui n’est point passage (Ubergang), mais qui se tient immobile sur le seuil du temps. Cette idée définit justement le présent dans lequel, pour sa propre personne, il écrit l’histoire. L’historiciste pose l’image « éternelle » du passé, le théoricien du matérialisme historique fait de ce passé une expérience unique en son genre. Il laisse d’autres s’épuiser dans le bordel de l’historicisme avec la putain « Il était une fois ». Il reste maître de ses forces : assez viril pour faire voler en éclats le continuum de l’histoire »[4].

Au contraire, l’historien matérialiste selon Benjamin, c’est-à-dire l’historien formé au matérialisme historique mais critiqué à partir du messianisme juif, dénonce l’idéologie du progrès et considère chaque présent comme la porte étroite par laquelle le messianisme, c’est-à-dire la révolution peut advenir et ainsi accomplir le temps de l’histoire dans le temps humain de la liberté. Enfin, il est capable de ressaisir dans le passé les potentialités révolutionnaires.

Il pratique donc une histoire à « rebrousse-poil » : contre l’histoire conçue comme un progrès, contre l’histoire faite par les vainqueurs et instituée par l’écriture des historiens (historicistes), donc contre l’histoire comme l’auxiliaire de la barbarie ; contre l’histoire figée et privée de sa puissance messianique, donc y compris contre le matérialisme historique orthodoxe. L’historien matérialiste est ainsi, par contraste, l’historien de l’histoire comme événement : de l’histoire des vaincus ou des dominés de l’histoire historiciste ; de l’histoire messianique ou révolutionnaire.

L’histoire de l’art au risque du concept de translocation  

B. Savoy suit la même inspiration. Elle propose certainement aussi une histoire de l’art qui ne soit pas ou plus l’histoire de l’art des vainqueurs. L’histoire de l’art doit être critique d’elle-même et ainsi rendre visible ce que l’histoire de l’art “historiciste” en quelque sorte s’obstine à oublier.

En effet, le projet historiogaphique de B. Savoy est de montrer la face cachée du patrimoine en pratiquant une histoire culturelle de l’art, en s’intéressant au-delà de l’étude des œuvres elles-mêmes, à leur circulation, leur déplacement, leur saisie, leur achat, leur vente dans l’Europe entre le XVIIIème et le XXème — tout ce qui concerne leur mobilité et acquisition. Cette nouvelle approche d’histoire de l’art s’organise autour du concept de « translocation » patrimoniale. 

Faire de l’histoire de l’art, c’est toujours, bien entendu, retracer la “carrière” des œuvres, depuis leur production jusqu’à leur exposition. C’est l’ordinaire du travail de l’historien d’art de se demander quel artiste, quel commanditaire, quel mécène, quel acquéreur, etc. ? 

Mais B. Savoy déplace l’approche en se demandant à qui appartient la beauté ou l’art ou l’œuvre. Cette question est iconoclaste ou intempestive, d’autant que l’histoire de l’art, en France au moins, parle de patrimoine culturel ou de bien culturel, ce qui a pour effet d’effacer le rapport entre la culture et la propriété. Au contraire, dans le monde anglo-saxon, on utilise la notion de « propriété culturelle » (cultrural property), mettant de fait en relief la propriété dans la culture ou le rapport culture-propriété dans le concept de “patrimoine”. L’œuvre est un objet qui a une histoire. Mais l’histoire de l’œuvre est incomplète et donc falsifiée si l’on n’intègre pas, en plus de la production et de la réception, l’histoire de son appropriation. L’histoire “matérialiste” de l’art ne doit pas se contenter de faire parler l’œuvre, d’exposer l’œuvre dans le récit de son histoire — qui est toujours celle des vainqueurs — mais elle doit dire ce que l’on a longtemps voulu taire, montrer ce qu’on dissimule, donner à voir ce qu’on ne voit pas d’ordinaire, notamment au musée en se faisant histoire de l’appropriation matérielle de l’œuvre. 

En effet, une visite de musée est toujours, même si on ne le soupçonne pas, un « télescopage »[5]  des temps et des espaces : ici le présent du visiteur, là le passé, parfois très lointain, des œuvres exposées. Cette confrontation donne lieu à des émotions et parfois, comme l’histoire de l’art moderne l’atteste suffisamment, la vision de l’art ancien ou extra-européen féconde la création artistique. Mais c’est là seulement la face éclairée de l’histoire de l’art dans sa prétention universaliste que le musée revendique et incarne.  Depuis sa création, le musée conjugue deux fonctions : montrer des objets, donner accès à des œuvres au public et être le lieu d’archivage de la créativité humaine mondiale. 

Mais il y a encore une troisième temporalité que le musée s’ingénie en quelque sorte à dissimuler — et l’histoire de l’art implicite au musée —, celle des conditions dans lesquels les œuvres sont arrivées dans les musées européens. Avant 1789, sous l’Ancien Régime, les collections servent une politique du goût. Ainsi toute une jeunesse lettrée sillonne l’Europe et se déplace « pour aller à la rencontre de cette beauté là où elle se trouve : à Rome, à Naples, dans les musées publics d’Italie et d’Allemagne »[6]. L’appropriation intellectuelle et esthétique (connaître, voir les œuvres) et l’appropriation matérielle (posséder les œuvres) sont encore distinctes. Mais la Révolution française impose à l’Europe 

« cette idée nouvelle, dont nos musées sont les héritiers directs, selon laquelle l’appropriation intellectuelle des “objets d’art et de science“, comme on les appelle alors, est nécessairement liée à leur appropriation matérielle. Qu’il faut en quelque sorte posséder Rome à Paris pour étudier l’Antiquité ou posséder l’Egypte à Turin, à Londres ou à Berlin… »[7].

Or cette appropriation physique change la donne. Car elle ne s’est pas faite sans violence, sans domination, sans asymétrie à la fois militaire, économique et scientifique. Or le temps est venu de prendre conscience 

« qu’il y a un versant diurne du patrimoine en Europe, et un versant nocturne. Que les deux aspects sont indissociables. Qu’il faut s’efforcer de les penser ensemble, comme une unité contradictoire. Au musée, voir en même temps les objets là où ils sont, et là où ils ne sont plus, c’est-à-dire dans les régions où ils ont été pris. Jouir de la beauté et du savoir accumulés dans nos villes pendant des siècles, mais en jouir en toute connaissance de cause, en ayant à l’esprit les conditions de collecte des objets dans des contextes économiques, militaires, épistémologiques asymétriques. Rendre visibles, pour mieux les maîtriser, les contradictions internes et les tensions flagrantes qui travaillent l’idée même de musée depuis son origine. Prêter beaucoup d’attention, dans ce contexte, aux regards et aux voix des dépossédés »[8]

On retrouve ici la thèse de Benjamin : la culture est faite de barbarie, et la libido sciendiqui supporte le projet éclairé du musée est toujours appuyé par la libido dominandi

B. Savoy en fait la démonstration en décrivant la statue de Champollion au milieu de la place du Collège de France à Paris. Cette statue est l’allégorie[9] de cette histoire du refoulé de l’histoire (muséale) de l’art. C’est une statue comparable à toutes celles que la IIIème république a multipliée sur les places des villes françaises. Et pourtant, il suffit de la regarder avec un peu d’attention pour voir mieux ce qu’aucun livre d’histoire de l’art ne saurait dire de son époque : elle dit ce qu’elle disait déjà en 1875 quand la France et l’Europe dominaient le monde. On y voit un jeune homme pensif, habillé à la mode 1800, dont la jambe gauche est appuyée sur la statue décapitée et brisée d’un pharaon. Y sont rassemblés les trois désirs définis par Augustin puis par Pascal : la libido sentiendi (le désir des sens et de la beauté), la libido sciendi (le désir de connaissance), la libido dominandi (le désir de domination). La statue célèbre le jeune savant, la science qui déchiffre la langue et une civilisation disparue. Mais pour le regard de l’historien d’art, le pied sur la tête du pharaon est le rappel d’un motif iconographique bien connu : David vainqueur de Goliath ou l’archange terrassant le démon. Autrement dit, l’acte de domination est pleinement manifeste.

Alors comment s’articulent ici le devoir de mémoire et le travail historiographique ? Comment celui-là infléchit-il ou transforme-t-il celui-ci ?

Faire voir les œuvres où elles ne sont plus

L’histoire de l’art a toujours pour fonction de rendre visible ou présent ce que l’œuvre ne rend pas visible d’elle-même (contexte, etc.). Mais, ici c’est un autre régime d’invisibilité qui est dénoncé et une autre entreprise de visibilité qui est recommandée. L’histoire de l’art doit faire voir les objets non seulement là où ils sont mais là aussi où ils ne sont plus : 

« Au musée, voir en même temps les objets là où ils sont, et là où ils ne sont plus, c’est-à-dire dans les régions où ils ont été pris. Jouir de la beauté et du savoir accumulés dans nos villes pendant des siècles, mais en jouir en toute connaissance de cause, en ayant à l’esprit les conditions de collecte des objets dans des contextes économiques, militaires, épistémologiques asymétriques. Rendre visibles, pour mieux les maîtriser, les contradictions internes et les tensions flagrantes qui travaillent l’idée même de musée depuis son origine. Prêter beaucoup d’attention, dans ce contexte, aux regards et aux voix des dépossédés »[10]

Présents pour nous, ils sont absents pour d’autres, ceux-là même à qui ils ont été dérobés. Notre bien est leur perte, notre possession leur dépossession. Si l’histoire de l’art ne fait pas ce travail de rendre visibles les dépossédés et la dépossession, alors elle continue de se situer du côté des vainqueurs et l’histoire qu’elle raconte est lacunaire, partiale, tronquée, et finalement encore et toujours “coloniale” : 

« Nous les Européens, qui avons reçu et transmis, et continuons de transmettre ces objets, nous sommes du côté des vainqueurs »[11].

Or être du côté des vainqueurs, même sans le savoir, c’est être du côté de la barbarie. Donc une histoire intégrale des objets d’art ne peut être amnésique sur l’origine et les conditions d’appropriation et de translocation des objets. Autrement dit, l’histoire de l’art doit introduire la mémoire des pertes des biens culturels par les vaincus dans sa connaissance des œuvres. Ou encore, c’est en dévoilant les conditions d’appropriation des œuvres, que l’histoire de l’art peut rompre avec la barbarie.

Finalement, puisque l’histoire de la translocation des biens culturels contient la mémoire des vaincus, il s’agit d’entrer en « empathie avec les dépossédés »[12], avec les vaincus. La crise patrimoniale (par les demandes de restitution) peut être l’occasion d’une introspection patrimoniale. La connaissance des œuvres (libido sciendi) ne doit pas seulement servir l’émotion esthétique (libido sentiendi) : elle doit aussi intégrer la connaissance et la conscience de la libido dominandi qui a accompagné leur acquisition. 

« L’introspection, c’est l’effort qui consiste, collectivement, à rattacher ces objets dans nos musées à l’histoire de leur venue chez nous et aux gens qui vivent aujourd’hui là où ils étaient hier. C’est donner à vois et à penser, c’est embrasser consciemment la part encombrante de notre histoire d’Européens “à qui tout est venu“. C’est prêter une attention extrême, constante et critique aux voix de tous ceux qui, à l’intérieur de l’Europe et à l’extérieur d’elle, font du patrimoine un enjeu politique »[13].

Une histoire patrimoniale de l’art comme travail d’introspection mémorielle

Pour finir, comment dans cette entreprise d’introspection patrimoniale, histoire et mémoire se partagent et/ou se confondent-elles ?

Cette nouvelle histoire de l’art contient une exigence épistémologique : on connaît mieux les œuvres en connaissant mieux leurs conditions d’appropriation. Mais ce progrès cognitif ne concerne pas seulement l’objet connu (œuvres d’art) mais le sujet collectif à travers le patrimoine, le musée et l’histoire de l’art (nous). Il est significatif que B. Savoy recourt au vocabulaire psychologique de l’introspection. L’histoire patrimoniale de l’art  (ou l’histoire de l’art comme histoire patrimoniale) devient l’occasion d’une’introspection mémorielle. Mais ce travail de mémoire qui accompagne le travail historiographique emprunte, ou plutôt doit intégrer, la mémoire des vaincus de l’histoire. L’histoire de l’art se fait désormais par elle, l’introspection de soi par l’empathie avec les dépossédés[14]. L’histoire culturelle du patrimoine ainsi comprise est une manière de promouvoir une histoire de l’art inclusive, intégrant la mémoire des vaincus, des oubliés, des dépossédés, des spoliés, ordinairement “invisibilisés”. 

Qu’implique donc cette histoire culturelle de l’art à l’histoire de l’art et quelle traduction politique peut-elle recevoir s’il est vrai, d’une part, que le musée n’est pas un lieu neutre (la question du patrimoine est politique) et, d’autre part, que le progrès du savoir historique est la condition d’une meilleure connaissance de soi ?

Bénédicte Savoy est prudente sur le chapitre litigieux et sensible de la restitution[15]. Elle répète qu’il ne faut pas tout confondre : par exemple, spoliation des collections des familles juives par les nazis, transfert des musées publics d’Italie ou d’Allemagne dans la France révolutionnaire et napoléonienne, pillage colonial ou fouille archéologique. L’histoire exige au contraire la plus extrême attention au contexte chaque fois particulier de la translocation des objets. En outre, la restitution n’est pas la seule manière d’honorer l’amitié et le respect dus 

« à ceux qui nous ont enrichis. Introspection n’est ni flagellation, ni radiation, ni précipitation confuse à restituer des choses dont certains peut-être, y compris hors de l’Europe, pensent que pour l’instant elles sont très bien chez nous »[16].

La restitution systématique n’est ni le moyen exclusif ni la fin obligée. Il s’agit plutôt, d’une part, par la recherche systématique sur la provenance des œuvres, de creuser sa propre histoire, de s’approprier l’intégralité de cette histoire en regardant le passé en face, en éclairant toutes les zones d’ombres ; et d’autre part, de restituer l’histoire aux peuples spoliés. Mais le projet implique de promouvoir rien moins qu’un autre concept de patrimoine et une autre conception du musée, reposant sur le dialogue et l’échange des voix — aussi divergentes en Europe que dans les pays dépossédés de ces biens culturels — qui profiteront sans doute du changement des générations. De fait, cette histoire culturelle de l’art entend passer à un nouveau concept de patrimoine (patrimoine mondial) et à un nouveau concept de musée (musée transnational) — ce qui exige une redéfinition juridique du code du patrimoine. L’histoire culturelle de l’art peut, à cette condition, épouser sinon l’exigence d’une « possible universalité », du moins le partage effectif de ce qui nous est commun. Car, 

« la ligne de partage n’est pas entre nous et les autres. Elle est entre les immortels (c’est eux) et les mortels (c’est nous) »[17].

Selon B. Savoy, cette histoire culturelle de l’art du point de vue de la translocation 

« ne s’oppose pas à l’histoire de l’art “classique”. Elle dialogue avec elle, la complète et s’en nourrit »[18].

On peut cependant en douter. Car, si l’histoire culturelle de l’art renouvelle l’histoire de l’art traditionnelle, et si celle-ci, dans sa science des œuvres, a toujours minoré les conditions de leur appropriation, toujours négligé dans le concept de culture et de patrimoine le fait de la propriété, alors la conclusion s’impose : l’histoire de l’art aura toujours été l’histoire des vainqueurs contre celle des vaincus. Dès lors, introduire la mémoire des vaincus dans l’histoire de l’art, ce n’est pas simplement compléter l’histoire de l’art. C’est, en réalité, en dénoncer la part aveugle d’idéologie. La mémoire des vaincus favorise une histoire de l’art sans idéologie autant qu’elle permet une restitution d’histoire aux pays colonisés. Autrement dit, l’histoire culturelle de l’art se présente bien comme une histoire critique de l’histoire de l’art : une histoire de l’art à rebrousse-poil donc. A bien la considérer, cette nouvelle histoire de l’art est plus radicale qu’elle n’en a l’air, sur un motif éthique primordial. Elle ne pratique pas autrement l’histoire de l’art mais propose un nouveau modèle d’histoire de l’art : une histoire décoloniale de l’art.

Bibliographie

Bénédicte Savoy, « Objets du désir, désir d’objets », Leçon inaugurale, Collège de France, Fayard, 2017

Benjamin, « Thèses sur le concept d’histoire », Ecrits français, Gallimard, 1991. 


[1] Op. cit., p. 75.

[2] Voici la thèse : « Qui est-ce, en fin de compte, à qui devront s’identifier les maîtres de l’historicisme. La réponse sera, inéluctablement : le vainqueur. Or, ceux qui, à un moment donné, détiennent le pouvoir sont les héritiers de tous ceux qui jamais, quand que ce soit, ont cueilli la victoire. L’historien, s’identifiant au vainqueur servira donc irrémédiablement les détenteurs du pouvoir actuel. Voilà qui [en] dira assez à l’historien matérialiste. Quiconque, jusqu’à ce jour, aura remporté la victoire fera partie du grand cortège triomphal qui passe au-dessus de ceux qui jonchent le sol. Le butin, exposé comme de juste dans ce cortège, a le nom d’héritage culturel de l’humanité. Cet héritage trouvera en la personne de l’historien matérialiste un expert quelque peu distant. Lui, en songeant à la provenance de cet héritage ne pourra pas se défendre d’un frisson. Car tout cela est dû non seulement au labeur des génies et des grands chercheurs mais aussi au servage obscur de leurs congénères. Tout cela ne témoigne [pas] de la culture sans témoigner, en même temps de la barbarie. Cette barbarie est même décelée jusque dans la façon dont, au cours des âges, cet héritage devait tomber des mains d’un vainqueur entre celles d’un autre. L’historien matérialiste sera donc plutôt porté à s’en détacher. Il est tenu de brosser à contresens le poil trop luisant de l’histoire » (Walter Benjamin, Thèses sur le concept d’histoire (1940), VII, Gallimard, 1991, p. 343).

[3] Cf. thèse XVI.

[4] Ibid

[5] Leçon inaugurale, p. 29.

[6] Id., p. 37.

[7] Id., p. 39.

[8] Id., p. 48.

[9] qui désigne le fait de parler haut et fort en public mais sur un mode différent.

[10] Id., p. 47.

[11] Id., p. 75.

[12] Id., p. 76.

[13] Id., p. 81.

[14] Id., p. 76.

[15] Cf. rapport Savoy-Sarr sur la restitution du patrimoine africain (23 novembre 2018). 

[16] Id., p. 80-81.

[17] Id., p. 81.

[18] Id., p. 36.



[1] « Objets du désir, désir d’objets », Leçon inaugurale, Collège de France, Fayard, 2017.

NB : cet article est antérieur au rapport Savoy-Sarr sur la restitution du patrimoine africain, rendu le 23 novembre 2018.

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