« Liberté, égalité, suicide assisté »
Laurent Cournarie 12 mai 2025
L’ « aide à mourir » est-elle le soin ultime qui assume jusqu’au bout le respect éthique de la personne humaine ?
Sur la base de sondages parfois discutables, la société civile serait mûre pour une telle législation. Ceux qui sont persuadés que l’euthanasie et le suicide assisté relèvent du devoir d’humanité et même de fraternité sont convaincus d’accompagner le sens de l’histoire. Ils assument « en responsabilité » la position du « progressisme ». Ironie de l’histoire, ce seront les centristes, héritiers de la démocratie chrétienne, avec les sociaux-démocrates qui en auront été les artisans.
Il ne fait aucun doute que la proposition de loi sur l’euthanasie et le suicide assisté sera adoptée, quels que soient les débats sur les amendements. L’opinion y a été préparée. Des Mutuelles ont exercé un lobbying pro-euthanasie et suicide assisté auprès des députés et en ont fait ouvertement la promotion auprès de leurs adhérents. Les médias ont déjà choisi leur camp, avec l’appui de nombreuses célébrités, en jouant sur l’émotion et les cas particuliers.
Mais qu’on ne se leurre pas, après s’être payé de mots. L’euthanasie et le suicide assisté sont aussi la solution technique, et économiquement moins couteuse pour le système de santé, à un problème sociétal que le progrès de la médecine a heureusement rendu possible avec l’allongement de la vie. Quoiqu’on dise, « l’éthique » ne commande rien.
Ensuite, alors qu’il n’y a pas de droit du suicide, il y aura un droit au suicide assisté. Tandis qu’il y a le devoir de ne pas tuer, il y aura le droit d’être tué ou aidé à se suicider par fraternité républicaine. Puisque tous les patients ne peuvent avoir accès aux soins palliatifs et qu’il était injuste que seuls les plus fortunés bénéficient d’une euthanasie ou d’un suicide assisté à l’étranger dans des cliniques privées, on a jugé nécessaire et légitime d’accorder à tous le même « droit à l’aide active à mourir ».
Enfin, les cinq critères cumulatifs retenus et déjà contestés aujourd’hui pour encadrer la loi (être âgé d’au moins 18 ans ; être Français ou résident en France ; être atteint d’une « affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale » ; cette dernière provoquant une « souffrance physique ou psychologique » réfractaire aux traitements ou insupportable ; être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée) risquent d’être tôt ou tard subvertis , parce que trop « exclusifs ». Pourquoi restreindre le droit de/à mourir dans la dignité à des conditions de nationalité, de pronostic vital engagé, de discernement ? Le droit à l’aide active à mourir ne pourra tenir pleinement sa promesse d’égalité républicaine qu’en étant le plus libéral. Et qui sait si, à terme, sa garantie ne devra pas exiger son inscription dans la constitution.
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